L’encadrement au service du pouvoir d’agir des bénéficiaires : De nouvelles organisations pour un nouveau paradigme

par | Avr 22, 2025 | Articles, Droit des usagers, Fonction de direction | 0 commentaires

Introduction : Trois continuités nécessaires + une

La transformation inclusive peut rester limitée à un simple slogan, la logique de parcours peut rester limitée à une simple référence pratique. De ces deux notions, on peut aussi en faire des défis pour l’avenir. Interroger l’engagement des cadres dans ces nouveaux défis revient à interroger à nouveaux frais les cadres habituels du travail à développer « une stratégie d’intervention qui suppose un dépassement vrai du « cadre » par les « cadres »[1]. »

Nous proposons d’envisager trois dimensions qui fondent le travail d’encadrement en établissement ou service sanitaire, social ou médico-social : le pouvoir d’agir des personnes, les liens internes et externes des organisations de travail, l’art de prendre soin des personnes. L’objectif est d’esquisser les contours d’une refondation de la légitimité des fonctions d’encadrement. Pour cela, nous évoquerons l’hypothèse d’une nouvelle alliance à construire entre intervenants et bénéficiaires.

  1. Pouvoir d’agir : une première continuité nécessaire
    • Agir sur/dans sa vie

Les définitions de vulnérable par le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales sont éloquentes : Être « Exposé aux blessures, aux coups… à la douleur physique, à la maladie… Qui peut être attaqué, atteint facilement. » Être « Très sensible aux attaques morales, aux agressions extérieures… Discutable par ses imperfections ou ses insuffisances. » Vulnérabilité est synonyme de fragilité.

Nous pourrions résumer la vulnérabilité comme une incapacité à se protéger des agressions extérieures, comme l’impossibilité de répondre aux exigences d’action que suppose toute vie et particulièrement toute vie sociale.

L’ambition des métiers du soin (care et cure contribuant selon l’OMS à un « état de complet bien-être physique, mental et social ») est de permettre aux personnes en situation de vulnérabilité de devenir, d’être ou de redevenir acteurs de leur vie : acteur de son insertion sociale et professionnelle, acteur de sa santé, acteur de sa guérison, acteur de ses rôles de parents ou de proche, etc.

Les dispositifs d’accompagnement se trouvent finalisés par cette ambition de développer le pouvoir d’agir des personnes accueillies ou accompagnées, depuis la construction législative des politiques publiques jusqu’aux pratiques professionnelles en passant par les organisations sanitaires et sociales.

  • Agir sur/dans son métier

Permettre aux personnes vulnérables de reprendre la main sur leur destin concerne en premier lieu les professionnels qui, au quotidien, œuvrent à leurs côtés. C’est là qu’apparaît une première continuité nécessaire entre le pouvoir d’agir des bénéficiaires et le pouvoir d’agir des professionnels. La capacité d’action des usagers sur leur vie est étroitement subordonnée à la capacité d’action des professionnels dans leurs actes de métier.

Autrement dit, des professionnels du « front office » entravés dans leur capacité à agir, à prendre des initiatives, à réagir aux situations toujours singulières qui se présentent à eux ne peuvent laisser aux personnes auxquelles elles s’adressent les marges de manœuvre indispensables à leur autonomie.

Par marge de manœuvre, nous entendons les espaces d’action suffisamment ouverts, qui ne sont pas définis de manière trop stricte pour permettre des ajustements permanents.

Qui dit marge de manœuvre dit sécurisation des acteurs afin qu’ils se sentent autorisés à poser leurs gestes professionnels en toute quiétude, sans se sentir menacés dès qu’ils s’autorisent un écart dans le protocole pour mieux répondre à la situation présente.

  • Encadrer c’est permettre d’agir

Selon la perspective ouverte par cette première continuité entre pouvoir d’agir des uns et des autres, les fonctions hiérarchiques s’éclairent autrement. Le sens commun du « chef » tend à enfermer les fonctions d’encadrement dans un contrôle de la bonne exécution des consignes. C’est là une fonction nécessaire à la bonne marche des services. Mais penser le pouvoir d’agir comme un continuum entre intervenants et bénéficiaires valorise une autre dimension encore plus essentielle.

Encadrer revient à poser un cadre d’action permettant le pouvoir d’agir des subordonnés au service du pouvoir d’agir des personnes vulnérables dont elles s’occupent.

Poser un cadre ne signifie pas ici ajouter un carcan supplémentaire à toutes les consignes, recommandations de bonnes pratiques et autres référentiels de pratiques. Poser un cadre signifie ouvrir des espaces de travail où la prise d’initiative est possible, où l’innovation est encouragée, où la créativité est vécue comme un enrichissement de l’organisation.

Encadrer le développement du pouvoir d’agir des personnes revient à ouvrir des espaces de travail, à en délimiter les contours mais, surtout, à ne pas les envahir par des normes qui ont pour effet de limiter le pouvoir d’agir des professionnels qui y évoluent. Encadrer le pouvoir d’agir des acteurs, c’est tenir les bords de la scène d’action, ouvrir des espaces, les garantir et ne pas les occuper par un système hiérarchique trop encombrant.

  1. Dedans / dehors : une deuxième continuité nécessaire
    • Changer de regard sur les organisations du travail social

Tenir les bords revient à s’intéresser aux périphéries des lieux d’action. Or, nous sommes victimes d’une conception centralisée et centralisatrice des organisations de travail. Le symbole de ce tropisme, c’est la fameuse pyramide hiérarchique. Elle place en son sommet « le chef », puis étage les niveaux hiérarchiques, et le tout vient peser sur les acteurs du terrain, donc sur les récipiendaires de ce dispositif. Si on regarde la pyramide par le dessus, c’est pareil. Le centre est occupé par la direction et le dispositif organise des cercles concentriques qui situent les acteurs dans le seul jeu de proximité distance avec le centre.

Changer de regard revient à quitter cette manière de représenter l’organisation de travail. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas avoir un organigramme hiérarchique qui permet de situer les liens de subordination dans le processus de production. Cela signifie que nous ne pouvons pas nous contenter de cette seule vision. La réalité d’un établissement hospitalier, de soins, social ou médico-social est bien plus riche que ce regard de cyclope (monoculaire).

Nos organisations sanitaires et sociales sont traversées par de nombreux courants, des flux qui l’organisent en tissant des nœuds structurants qui leur donnent forme, les déforment, et les inscrivent dans un processus continu de reconfiguration. Ce changement de regard invite à aller voir tous les signaux faibles qu’une conception centralisée occulte : les espaces où circulent les idées (qui ne se résument pas aux réunions institutionnelles), les personnes (qui ne résument pas aux seuls salariés), les points de croisement entre les services (qui ne se réalisent pas forcément à l’interne de l’établissement ou du service), les points de contacts avec l’environnement (qui passent par de multiples détails du quotidien).

La proposition que nous formulons, c’est de s’intéresser aux seuils des organisations, c’est-à-dire à tous ces espaces matériels, virtuels, réels ou symboliques qui permettent d’établir cette deuxième continuité nécessaire entre le dedans de l’organisation et le dehors de celle-ci. C’est-à-dire de la penser comme une organisation écologique et non comme une entité fermée.

  • Aller-vers les personnes

Ce changement de regard qui ouvre à une continuité entre l’interne et l’externe introduit une conséquence logique pour les professionnels : quitter la logique de guichet – ce lieu où on attend le client – pour aller à la rencontre des personnes.

L’aller-vers est une mise en mouvement physique et symbolique.

Physique, cela signifie quitter les murs de nos institutions pour partir à la rencontre des personnes là où elles sont, là où elles vivent, là où elles nous attendent, voire, là où elles ne nous attendent pas. C’est cela que nous pourrions nommer une désinstitutionalisation : ne plus exiger des usagers qu’ils se conforment à nos organisations mais ajuster les formes organisationnelles à ce que sont les personnes auxquelles elles s’adressent. Rejoindre les personnes sur leur quartier, dans leur logement, sur les lieux culturels, dans l’espace public, dans leurs lieux d’activité ou de travail change radicalement la manière de les percevoir, la manière de faire avec elles, la manière de concevoir nos rôles et nos fonctions.

Cette dynamique d’adaptation ne passe pas que par un déménagement physique des intervenants elle revêt également une démarche plus symbolique. La manière de penser les cadres architecturaux, les lieux d’accueil, l’intimité des patients ou des personnes accueillies, les façons de travailler avec eux et elles représentent ces sorties des cadres que signifie la désinstitutionalisation. Ce n’est pas la fin de l’institution, c’est sa refondation sur de nouveaux points d’appui. Il s’agit bien, par l’aller-vers, de refaire institution autrement en quittant le confort protecteur des murs et des formes instituées qui ne prennent pas suffisamment en compte les mouvements instituants.

  • Encadrer c’est sortir des cadres

Cette nécessaire continuité à établir entre le dedans et le dehors des organisations sanitaires et sociales impacte frontalement les conceptions managériales.

Dans une vision centralisatrice, assortie à ce que nous nommons la logique de guichet, il est acceptable de considérer le cadre hiérarchique comme un garant de l’ordre institutionnel, exerçant un ascendant sur ses subordonnés qui sont placés dans des positions périphériques et subalternes, qui sont des exécutants des consignes.

Dans une vision par les seuils des organisations, seuils qui permettent les mouvements entrants et sortants, qui sont la condition de l’aller-vers, le management s’éclaire sous un tout autre jour. Il ne s’agit plus de « tenir le cadre » mais de « dépasser le cadre » (comme l’indique le texte introduisant vos journées). La hiérarchie n’a pas pour rôle de contenir l’organisation au sein de son périmètre – entre ses murs qui deviennent l’enceinte d’une forteresse assiégée – mais de sécuriser les échanges avec l’extérieur en développant les porosités qui permettent de l’enrichir par son contexte. La hiérarchie n’a pas pour rôle de surveiller les circulations d’information mais de chercher à maximiser les interactions entre tous les éléments du système – selon une dynamique systémique. La hiérarchie n’a pas pour rôle de dicter par le menu ce que doivent exécuter les acteurs de terrain mais de les sécuriser pour leur permettre de vivre sereinement l’aventure de la rencontre d’autrui dans la dynamique du mouvement de l’aller-vers.

  1. Prendre soin au carré : une troisième continuité nécessaire
    • Une clinique du « care »

La clinique, c’est l’art de se tenir au chevet du patient. La clinique se déploie dans deux dimensions évoquées plus haut : cure – soigner – et care – prendre soin. Ces deux dimensions sont complémentaires l’une de l’autre. Que l’on travaille dans un service médical ou hospitalier, paramédical ou médico-social, social ou thérapeutique, les pratiques sont toujours inscrites dans cette dimension clinique. On ne peut soigner quelqu’un sans prendre soin de lui. On ne peut accompagner quelqu’un dans la résolution de ses problèmes sociaux sans prendre soin de lui.

Prendre soin d’autrui, ce n’est pas se pencher sur son sort avec une mansuétude condescendante. Prendre soin, c’est d’abord reconnaître autrui dans sa dignité. C’est le reconnaître dans ses droits, dans son attente de relations équilibrées et dans son inscription sociale. Le droit, la relation et la socialisation sont les trois piliers de la reconnaissance qui forment la base d’une clinique du prendre soin.

Prendre soin d’autrui, ce n’est pas le considérer comme un cas (l’AVC, le bipolaire, l’alcoolique, le SDF, l’enfant placé…) mais comme un sujet. C’est l’altérité entre sujets qui permet le prendre soin. La relation d’altérité comporte les deux dimensions inhérentes à toute relation humaine : celle de notre commune humanité, celle de notre radicale différence.

Prendre soin d’autrui, ce n’est pas seulement ne pas être maltraitant. La bientraitance ne peut se laisser réduire par ces règlements de prévention des mauvais traitements. La bientraitance, c’est bien plus que la bienveillance. C’est l’engagement formel des organisations et de leurs agents à tenir une obligation de résultat en termes d’égalité, de liberté et de fraternité, c’est-à-dire un résultat référé aux Droits de l’Homme et à la constitution de notre République.

 

 

  • Une GRH du « care »

Prendre soin des personnes en situation de vulnérabilité n’est pas sans conséquence pour les professionnels investis de cette délicate mission. La souffrance que génère cette vulnérabilité ne laisse pas indifférent l’intervenant. En ce domaine, toute indifférence est potentiellement maltraitante.

C’est là une des difficultés majeures des métiers du lien social. Pour agir, il faut se laisser toucher par la situation de l’autre. Ce faisant, la vulnérabilité de ce dernier est source de fragilisation pour le professionnel. Les échos émotionnels, les empathies, les ressentis affectifs font partie du travail, ils sont la condition de celui-ci. Mais si l’on veut que cette réaction humaine ne contamine pas les intervenants, il faut donc les protéger.

Plus précisément, il faut permettre aux professionnels de vivre pleinement cette rencontre en se laissant toucher sans pour autant les laisser sombrer dans le symptôme de l’autre. Il est ici à nouveau question de sécuriser les places et les rôles…

  • Encadrer, c’est prendre soin de ceux qui prennent soin

Il est en effet indispensable de sécuriser les acteurs du front office. Cette sécurité est la condition de leur efficacité – ce qui signifie que ce n’est pas la conformité des pratiques qui sécurise d’abord les pratiques…

Le rôle de l’encadrement est donc de prendre soin de ceux qui prennent soin des personnes accueillies ou accompagnées : « CARE² : prendre soin au carré (…) …cela ne sert à rien de proclamer l’importance de “prendre soin“, si l’on ne voit pas que cela suppose de prendre soin de ceux qui prennent soin.[2] »

Ce care2 modifie le sens même du management. D’ailleurs, manager vient du latin manus, la main, qui donne l’italien maneggiare (conduire son cheval à la main). Mais avant que ce terme nous revienne en anglicisme, il semble qu’il trouve son origine chez la ménagère, l’art de tenir la maison. Ménager et manager retrouvent alors un lien de filiation qui donne sens à un management bienveillant.

Il s’agit donc, pour prendre soin de ceux qui prennent soin, de dé-manager. Jean Afchain précise que « le management associatif ne peut être qu’un dé-management, c’est-à-dire un dépassement du niveau organisationnel et institutionnel.  » Il dit à sa manière que la particularité des institutions du care c’est d’avoir leur centre de gravité – le fait de porter un projet de transformation sociale pour plus de justice et d’égalité – en dehors de leur périmètre. Ce que sert l’organisation, ce n’est pas elle-même, c’est ceux qui sont à côté. Cela a une conséquence essentielle pour la fonction de direction. « Si manager c’est gérer, diriger au sens d’organiser l’entreprise, dé-manager doit être entendu au sens de dé-placer, dé-construire, puis de dé-battre, dé-ranger et finalement dé-passer le management par les finalités qui l’ordonnent.[3] »

 

  1. Nouvelle alliance : une continuité à inventer

Résumons ce qui vient d’être exposé :

  • la continuité entre pouvoir d’agir des personnes et pouvoir d’agir des professionnels impose un encadrement qui ouvre et garantit des marges de manœuvre à tous les acteurs du système.
  • La continuité entre l’interne et l’externe des organisations de travail qui suppose une approche de celles-ci par les seuils et le développement de l’aller-vers impose un encadrement qui permet de dépasser les cadres formels pour permettre la rencontre.
  • Enfin, la continuité entre le prendre soin des personnes et le prendre soin des salariés, le care2, impose un encadrement qui opère un pas de côté pour mettre en débat les représentations afin de prendre soin des salariés.

Pour conclure, nous pouvons ouvrir une piste complémentaire pour éclairer la manière dont les cadres hiérarchiques managent des logiques de parcours dans une visée inclusive : une nouvelle alliance à construire entre intervenants et bénéficiaires.

  • Changer le paradigme des légitimités

Les dispositifs sanitaires et sociaux, en France, du fait de notre jacobinisme étatique, reposent sur un système très centralisé qui impose des logiques descendantes. Les politiques publiques, décidées au centre, descendent vers les territoires où des administrations sont chargées de les appliquer. La mise en œuvre est alors confiée à des organisations publiques ou privées. Ce dispositif induit ce qu’il convient d’appeler des légitimités descendantes.

C’est-à-dire que la légitimité des interventions auprès des personnes vulnérables ne provient pas de ce qui se passe au niveau de l’acte professionnel, du geste de métier, mais de l’autorisation qui provient d’une autorité supérieure. Cette logique a pour effet de survaloriser le cadre normatif institutionnel au détriment de ce qui se passe réellement dans la rencontre individuelle ou collective d’intervenants et de bénéficiaires.

Pourtant, une analyse fine de « ce qui se passe » permet de discerner que ce qui fonde la légitimité des intervenants, ce n’est pas d’abord le mandat symbolique qu’ils reçoivent d’en haut au nom de la solidarité nationale. La légitimité réelle – c’est-à-dire cette reconnaissance réciproque entre intervenants et usagers – est celle de la rencontre, de sa qualité humaine et de la reconnaissance réciproque qui en résulte.

Cette rencontre n’est pas la simple résultante de politiques publiques et de leurs dispositifs opérationnels. Cette rencontre est la résultante de tous ces petits bricolages qui tissent la relation du quotidien. Bricolages est à entendre au sens de la metis grecque, cette ruse en situation qui permet ces petits ajustements qui permettent d’être juste : justesse des positionnements, justesse du faire, justesse de l’être, justesse des savoir-faire et savoir-être. Ce ne sont pas le code de la santé publique ni le code de l’action sociale et des familles qui provoquent cette justesse, c’est l’alliance qui se noue dans le colloque singulier ou dans le travail collectif.

  • Une nouvelle alliance

Il s’agit plus précisément d’une « nouvelle alliance » en ce sens qu’il nous revient de faire émerger ce qu’il y a de nouveau dans la manière dont se tissent des rapports de terrain dans tous les lieux du prendre soin.

Nouvelle alliance porte une référence religieuse : celle du Nouveau testament qui opère une rupture des formes de relation de Dieu avec son peuple. Mais, au-delà de cette référence, nous retrouvons l’idée d’alliance dans de nombreuses situations. L’alliance thérapeutique par exemple qui démontre qu’une cure analytique n’est possible que s’il y a alliance entre le thérapeute et son patient. Celle-ci se décline également autour de l’éducation thérapeutique du patient qui suppose une autre relation entre soignant et soigné.

Le concept d’alliance nous intéresse ici car il suppose à la fois un ou des intérêts communs entre les alliés mais aussi de les reconnaître dans leurs différences. L’intérêt des décideurs des politiques sociales et de santé vise le bien-être de la population dans une société la plus inclusive possible. L’intérêt des dispositifs de mise en œuvre vise la qualité des prestations servies, leur efficacité. L’intérêt des professionnels de la santé et du social est l’amélioration de la situation des personnes, l’efficience de leur pratique. L’intérêt des personnes accueillies, soignées ou accompagnées c’est d’obtenir la résolution de leur problème. Ces différents intérêts situés à des niveaux différents et portant sur des objets distincts convergent tous cependant vers l’obtention de résultats tangibles.

Pour comprendre cette réunion d’intérêts divergents concourant à un intérêt commun, il suffit d’observer les grandes alliances qui structurent les échanges : l’OTAN (alliance atlantique nord), l’OMC (organisation mondiale du commerce) …

L’idée développée ici c’est qu’en refondant la légitimité de l’intervention auprès de personnes vulnérables sur l’alliance qui se construit au plus près des situations, au cœur même de ces situations, dans la relation qui se crée de fait, en démontrant cette alliance qui existe déjà mais qui est invisibilisée, nous permettons de redonner sens au travail.

Il s’agit bien d’un renversement des légitimités. La nouvelle alliance met en exergue une légitimité ascendante. C’est ce qui se passe à la base qui permet dans un mouvement Bottom-up de repenser les politiques publiques, à partir des besoins des habitants, sur la base de ce qu’ils réalisent localement. Nous sommes là à l’épicentre du pouvoir d’agir des personnes : elles reprennent la main sur la délibération démocratique sur le projet de société pour orienter les politiques publiques.

  • Encadrer c’est créer les conditions de l’alliance

Dans la perspective ouverte par cette hypothèse d’une nouvelle alliance à construire entre intervenants et bénéficiaires, encadrer c’est à la fois garantir les marges de manœuvre et prendre soin des professionnels en sécurisant leur capacité à dépasser les cadres formels et, finalement, garantir l’émergence d’une alliance.

Il revient à tous les niveaux de l’encadrement de créer les conditions de cette nouvelle alliance. Cette inversion paradigmatique des légitimités hiérarchiques ne fragilise aucunement les fonctions dirigeantes. Elle les redéfinit autrement, sur d’autres bases, plus ouvertes, plus agiles, plus ajustées aux défis contemporains.

En rendant le pouvoir d’agir aux personnes, nous renforçons la légitimité et le pouvoir d’agir des professionnels. En renforçant le pouvoir d’agir des professionnels, nous renforçons la légitimité et le pouvoir d’agir des encadrants. Non plus un pouvoir d’agir sur les subordonnés mais un pouvoir agir avec eux, à leurs côtés et, en même temps, aux côtés des usagers. Une légitimité qui n’est pas fondée sur le contrôle – même si cette fonction ne disparaît des fiches de fonction des cadres – mais sur la capacité à libérer la créativité et l’innovation, à prendre le risque de la transformation des pratiques et des organisations.

[1] Texte liminaire à la journée d’étude Inter-Instituts de Formation (Arifts, CFP Meslay, CHU Nantes) : L’engagement des cadres pour une transformation inclusive : Manager dans une logique de parcours, 23 avril 2025.

[2] Y. Rollier, Bulletin du CREAI de Bretagne « Sur le Vif », n°2010-06 du : 9 juillet 2010.

[3] J. Afchain, Les associations d’action sociale, Paris, Dunod, 1997, p.156.

S’abonner
Notification pour

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Articles sur le même sujet

Présentation de l’auteur

Roland JanvierRoland JANVIER, chercheur en sciences sociales, titulaire d’un doctorat en sciences de l’information et de la communication.
Repolitiser l'action sociale

Shares