Qui est nous ? Où va nous ? Repolitiser l’action sociale ?

par | Juin 18, 2017 | Droit des usagers, Economie sociale et solidaire, Ethique, Fonction de direction, Organisation | 0 commentaires

Introduction : Les paradoxes de l’hypermodernité

Nous vivons dans un monde où tout est « trop »[1]. Paradoxalement, le monde de surabondance dans lequel nous vivons met en exergue le fait que certains n’ont rien, sont exclus de ce débordement d’objets, de biens, de services, de capitaux et de performances. Le trop plein des uns rend insupportable le manque des autres… Les nantis cachent les « sans » (sans logement, sans emploi, handicapés, dépendants, etc.) de leur oppulence. L’enjeu politique est de percevoir ces clivages, d’en prendre conscience. Et si c’était là une des missions de l’action sociale : rendre visible les situations sociales d’inégalité? Et si c’était une fonction centrale de l’action sociale : par la prise de conscience des phénomènes d’exclusion participer à la transformation de la société ?

Cette politisation de l’action sociale suppose une analyse critique des paradoxes dans lesquels elle situe son action.

  • Dans une société d’abondance, le partage est relégué à une fonction accessoire : repolitiser l’action sociale suppose de refonder le principe de solidarité comme constituant essentiel du projet de société ;
  • Dans une société qui vise à combler tous les désirs, la réponse aux besoins apparaît de plus en plus superflue : il s’agit alors de replacer l’exigence de justice au cœur de l’action comme fondement républicain ;
  • Dans une société du paraître et de l’avoir, la question de « l’être » est mise de côté : il s’agit de construire une politique d’humanisation qui place la dignité et la reconnaissance comme condition première de la civilisation face à la régression barbare ;
  • Dans une société marquée par la performance et la rationalité instrumentale, le temps long des transformations silencieuses n’a plus court : il s’agit de réhabiliter l’art de l’attention bienveillante à autrui comme finalité d’une société fraternelle ;
  • Dans une société qui s’est accoutumée aux inégalités et à l’injustice, l’action sociale est devenue une charge : il s’agit de retrouver nos capacités d’indignation pour agir selon l’exigence d’égalité ;
  • Dans une société qui mystifie l’illusion consensuelle, les divergences d’intérêts n’ont plus droit de cité : il s’agit de réhabiliter la vertu démocratique de la conflictualité des rapports sociaux ;
  • Dans une société qui promeut l’idée que ses institutions doivent combler tous les manques, les espaces d’intermédiation ne sont plus reconnus : il s’agit de valoriser les interstices – lieux sociaux hybrides et incomplets – qui tissent les liens sociaux ;
  • Dans une société où le matérialisme s’impose comme valeur dominante, les dimensions humaines et spirituelles du bien-être sont battues en brèche : il s’agit de rendre au sensible sa fonction centrale de production de sens dans une société laïque qui refuse toute signification venue d’en dehors d’elle et de sa capacité à débattre ;

« Finalement, repolitiser l’action sociale est une ambition qui va bien au-delà du champ spécifique de l’intervention portée par les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Repolitiser l’action sociale représente un des leviers, mais sans doute un des plus efficaces, pour initier un mouvement de refondation qui pourrait renouveler le projet de société dans son ensemble.[2] »

Je propose de développer cela en sept questions qui reposent sur sept clivages :

  1. L’action sociale instrument de régulation ou facteur de mouvement social ?

Cette première question interroge la finalité des missions confiées par l’État aux organismes de l’action sociale.

Héritière des logiques caritatives, l’action sociale s’est progressivement professionnalisée et, ce faisant, est devenue de plus en plus dépendante des subsides publiques qui assuraient son fonctionnement et son développement. Ce mouvement d’interdépendance des organismes et des autorités publiques a survalorisé la fonction instrumentale de régulation sociale au détriment d’une visée plus politique de transformation sociale.

En France, les récentes évolutions des dispositifs publics organisant l’intervention sociale et médico-sociale auprès des personnes bénéficiaires ont apporté de plus en plus de contraintes normatives, de standardisation des pratiques, d’uniformisation des organisations de travail. Cette tendance a eu pour effet de renforcer considérablement la fonction instrumentale des organisations d’action sociale.

Sans jouer les anciens combattants, nous pouvons établir des comparaisons entre la puissance d’action des temps fondateurs, d’après-guerre, des associations du champ du handicap (en France les associations de parents, les ADAPEI) et la situation actuelle. Les mêmes acteurs, à quelques nuances près (l’APF ?), ont abandonné une bonne partie de leurs revendications d’égalité et de justice au profit d’un haut niveau de technicité dans le traitement des situations de handicap.

Repolitiser l’action sociale, c’est redonner aux associations d’action sociale la volonté d’inscrire leur action dans le mouvement social, c’est-à-dire de viser, par leur travail auprès des plus vulnérables, la transformation sociale. Cela passe par un faire ensemble, associant toutes les parties prenantes, sur lequel nous reviendrons.

  1. L’action sociale bureaucratie ou initiative citoyenne ?

Consécutivement à la question des finalités émerge la question du positionnement des dispositifs d’action sociale dans les échanges sociaux.

Si l’action sociale est positionnée comme facteur de transformation des rapports sociaux en mobilisant une capacité à faire ensemble entre professionnels et usagers – en lieu et place du « faire pour » hérité du principe de charité –, elle doit repenser son positionnement dans le jeu des échanges sociaux.

En France, la professionnalisation de l’intervention sociale a transformé les initiatives parfois improvisées des temps pionniers – nous pensons ici à l’Abbé Pierre durant l’hiver 54 ou à l’Arche de Jean Vannier – en une bureaucratie – nous pensons cette fois aux indicateurs de performance de l’ANAP ou à l’évolution des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’ANESM.

La bureaucratie est un outil de contrainte et de conformation des pratiques qui repose sur le principe de la rationalité instrumentale. Or, la rationalisation de l’humain, si elle peut être un fantasme des sociétés totalitaires, ne peut être adéquate ni à la fonction clinique de l’accompagnement personnalisé, ni à la fonction politique d’une action sociale participant à la construction d’une société de justice.

Par définition, l’initiative citoyenne appartient au peuple qui prend en main son destin. Cela suppose, non pas une planification cartésienne, mais la libération des capacités d’agir des personnes et des groupes sociaux. C’est par la co-construction que cet objectif peut être atteint : co-construction entre citoyens et décideurs politiques en ce qui concerne les politiques sociales ; co-construction entre les organisations du travail social et les pouvoirs publics en ce qui concerne leur mise en œuvre dans les territoires ; co-construction entre les professionnels et les usagers en ce qui concerne le fonctionnement de l’établissement ou du service social ou médico-social ; co-construction entre l’usager et le professionnel référent en ce qui concerne l’accompagnement personnalisé. Ces différents niveaux de co-construction déclinent, du macro au micro, la manière dont l’action sociale, pour investir sa fonction politique, peut résister à la tendance naturelle de tout système d’action à se fossiliser en un dispositif bureaucratique.

  1. L’action sociale charge ou investissement ?

Les axes esquissés quant aux finalités et au positionnement de l’action sociale amènent logiquement la question de sa fonction économique.

Si l’action sociale est conçue comme un simple régulateur des rapports sociaux visant à rendre supportable pour les individus les situations d’exclusion ou de discrimination, l’objectif des pouvoirs publics est alors d’en maximiser l’efficacité pour un coût abordable, voire au moindre coût. C’est le sens des contraintes budgétaires imposées aux établissements français (Convergence tarifaire, coûts cibles, EPRD…). De même, construite sous forme bureaucratique, l’action sociale est mise en demeure d’optimiser le rapport entre la charge qu’elle représente et ce qu’elle produit concrètement en termes de résultats. C’est le sens des injonctions imposées par un contrôle de plus en plus pointilleux sous forme d’indicateurs, de relevés statistiques, d’atteinte d’objectifs dans les contrats du même nom, etc. Ces deux dimensions érigent l’action sociale et ses dispositifs comme des centres de coûts, les centres de profits étant – dans une vision néo-libérale d’un État converti au new public management – exclusivement du côté des entreprises lucratives.

Repolitiser l’action sociale, c’est affirmer que l’action sociale, dans une société fondée sur le principe de solidarité, est un investissement[3]. Un investissement, c’est une dépense qui se réalise à un moment donné mais dont les effets ne se feront sentir qu’à moyen ou long terme. Pour une société, prendre soin, aujourd’hui, de ses membres les plus fragiles, c’est investir dans l’avenir de ces personnes, leur intégration, leur capacité à participer au vivre ensemble, leur contribution à la production collective, leur participation aux échanges économiques, etc. Cet investissement n’est pas rentable à court terme mais produit les conditions favorables à un retour sur investissement profitable à tous (à condition que le terme « profit » ne soit pas ici interprété dans sa seule dimension monétaire).

  1. L’action sociale technocratie ou acteur de développement social ?

Inscrite dans le mouvement social, porteuse d’initiatives citoyennes, facteur de développement économique (au sens large du terme), l’action sociale doit choisir son camp entre une vision technocratique et une perspective de développement social.

La vision technocratique correspond à une société de l’ordre et du contrôle. Elle repose sur une conception positiviste d’un monde rationnel où la prévision est synonyme d’injonction et le hasard synonyme d’erreur. Dans un tel univers, l’action sociale doit être performante – la loi française dite HPST de 2009 a, dans cette mouvance, créé l’ANAP. La performance consiste à concevoir des actions dont les résultats doivent être certains selon un lien de cause à effet qui ne souffre aucun aléa. La conséquence de cette pensée scientiste est la standardisation des normes d’action, la normalisation des pratiques et l’uniformisation des organisations.

Or, la vie est faite d’aléas, d’incertitudes, d’imprévisibilités. Ce ne sont pas d’abord les continuités logiques qui font le vivant mais les ruptures et les discontinuités. Cette réalité est particulièrement prégnante pour les publics marginalisés visés par l’action sociale.

Concevoir l’action sociale comme facteur de développement social – objectif fortement affirmé en France par le plan gouvernemental en faveur du travail social et du développement social d’octobre 2015 – suppose de se départir de cette conception rationalisante de sa fonction sociétale. Le développement social suppose qu’aucun plan ne soit préalablement bouclé mais que tout projet d’action laisse toujours ouvert le champ des possibles. C’est en se mettant en mode projet – intégrant une nécessaire agilité – que le développement social peut tenir compte des personnes, des communautés et groupes sociaux, des réalités locales, des singularités territoriales. Bref, le développement social appelle inévitablement la pluralité, la diversité, l’hybridation. C’est là une option politique – fondamentalement démocratique – en rupture avec les tendances actuelles.

  1. L’action sociale individualisation des problèmes ou responsabilité partagée ?

A un plan plus clinique, la question qui est posée à l’action sociale interroge la position du curseur entre individualisation et collectivisation.

Jusqu’à ce point de l’exposé, en effet, nous avons eu tendance à aborder les problématiques de l’action sociale sous l’angle collectif. Or, la mission première de l’action sociale est de résoudre les difficultés des individus. Il ne faudrait pas que la volonté – d’essence très politique – de relier les questions individuelles à leurs dimensions sociétales occulte la dimension clinique de l’action – c’est-à-dire le fait de se tenir au chevet de personnes en difficultés.

La dimension clinique, envisagée au plan interindividuel, est de nature politique. « Prendre soin de l’autre, signifie s’inscrire dans une ouverture, un accueil, une bienveillance qui configure une manière de vivre ensemble. Porter une attention aux membres les plus fragiles de la société constitue, pour celui qui en fait sa profession, un positionnement éthique qui projette une conception de la relation à autrui – identique et différent – qui « fait société » d’une manière respectueuse pour chacun. Agir avec et pour autrui dans le but de résoudre des problèmes ou d’accompagner une difficulté à vivre, constitue une forme originale de solidarité – manifestant en actes une société fraternelle – qui est, en soi, une action sur les destins individuels et collectifs.[4] »

La question du curseur est une question politique car, selon qu’il est positionné du côté individuel ou du côté collectif, il ne porte pas les mêmes significations en termes de projet de société. Avec Yves Matho[5], nous avions identifié que la conception de l’action sociale croise un axe relatif à la représentation de l’usager. La première évolue entre une conception de restauration d’un ordre social et une visée transformatrice, la seconde entre un usager porteur de sa difficulté et un usager victime de causes extérieures à lui. La naturalisation des problèmes des personnes associée à une conception conservatrice des rapports sociaux conduit à l’individualisation culpabilisante des problèmes. Inversement, la socialisation des difficultés et une visée de transformation des conditions sociales de leur émergence conduit à la notion de responsabilité partagée.

La responsabilité partagée est un concept qui comprend un choix politique. Il ne s’agit pas de dédouaner qui que ce soit dans le registre des responsabilités mais d’assortir les dimensions individuelles – chacun est acteur de sa vie et de ses choix – aux registres collectifs. Sont ici mobilisés différents concepts tels que la reconnaissance sociale d’Axel Honneth, la capabilité d’Amartya Sen, la justice sociale de John Rawls, etc.

  1. L’usager bénéficiaire ou citoyen d’une société solidaire ?

La figure de l’usager doit également être interrogée quant à sa signification politique.

A ce point de notre raisonnement apparaît soudainement le fait que la figure de l’usager est également politique.

Réduit au simple rôle de récipiendaire, l’usager est l’objet d’un protocole pré-formaté de changement individuel. Cette tendance est actuellement alimentée par l’envahissement des théories cognitivo-comportementales. Il suffirait de conditionner l’individu pour qu’il adopte la « bonne » attitude, c’est-à-dire celle qui est socialement acceptable. Le bénéficiaire décrit ici est fort éloigné de la figure du citoyen qui fait référence au pouvoir d’agir des personnes.

L’empowerment est un concept exposé aux récupérations néo-libérales. En effet, il porte le risque de convoquer systématiquement l’usager sur un standard comportemental indépendant de ses capacités réelles. Le pouvoir d’agir – traduction moins anglo-saxonne et plus politique de la même idée – vise à promouvoir l’expertise des usagers en tenant compte, non-seulement de leurs capacités, mais aussi de leurs désirs, de leur volonté, de leurs choix.

Fondamentalement, (ré)habiliter la figure politique de l’usager, c’est l’investir de sa dimension proprement subversive. A l’opposé des conditionnements qui visent les changements de comportements sans s’intéresser ni aux causes, ni à la dimension du sujet à l’origine des attitudes incriminées, ce qui est visé c’est l’acteur social – concept défini en son temps par Alain Touraine – c’est-à-dire la personne – référence au personnalisme d’Emmanuel Mounier – qui est toujours envisagée – référence à Lévinas et au rapport à autrui – dans sa double dimension intrasubjective – référence à l’inconscient de Freud et Lacan – et intersubjective – référence à nouveau à Sen et Honneth. Autrement dit, chacun est à la fois un « en soi / pour soi » et un « avec les autres » – références d’une part à Hegel et Sartre et d’autre part, à nouveau, à Lévinas.

La figure politique de l’usager est un « bouquet » qui hybride les dimensions personnelles et sociales, associant diverses approches philosophiques.

  1. Les acteurs de l’action sociale offreurs de services ou révélateurs de l’état d’une société se produisant par elle-même ? (Fonction tribunitienne)

Enfin, pour conclure, qu’en est-il des promoteurs de l’action sociale du point de vue de leur fonction politique ?

Nous en arrivons là, au terme de cet exposé, à cette « introspection identitaire centrée sur le ‘’nous social’’ » qu’annonçait le texte inducteur de ce colloque. « C’est quoi ce nous ? »

Pour faire simple, nous sommes aujourd’hui devant une alternative : Le « travail dans le social » peut être envisagé soit dans une fonction réparatrice soit selon une visée transformatrice.

Les promoteurs d’action sociale, limités au rôle d’offreurs de service (c’est ainsi que les ARS qualifient les associations dans les CRSA) sont de simples exécutants de politiques sociales définies en dehors d’eux. Instruments des pouvoirs publics, ils sont vidés de tout signifiant politique. Autrement dit leur action n’interroge pas la participation à la vie de la cité – étymologie de « politique » – tant des personnes bénéficiaires que des organismes intervenants.

Vouloir repolitiser l’action sociale, c’est vouloir réhabiliter la fonction politique à plusieurs niveaux :

  • Des politiques sociales elles-mêmes qui sont pensées comme la résultante de rapports de forces qui construisent le social à partir de la conflictualité des intérêts en présence ;
  • Des personnes accompagnées qui sont identifiées comme acteurs sociaux, citoyens disposant pleinement d’un pouvoir d’agir sur leur vie et leur environnement ;
  • Des organisations de travail qui portent le travail social dans les territoires qui revendiquent d’être acteurs de transformations de la société, porteurs d’un projet de société.

Nous assistons alors à une triangulation vertueuse qui tourne le dos à l’instrumentalisation de l’action sociale. Le contrat social devient un contrat tripartite.

« Il semble donc urgent de repenser les liens entre les parties prenantes du projet démocratique qui ne peuvent plus être pensés de manière binaire et clivée. Décideurs politiques, citoyens-usagers et associations se sont, dans l’histoire récente, utilisés les uns les autres, deux à deux, pour s’opposer au troisième. La parole des usagers a été récupérée par les pouvoirs publics pour opposer aux associations un programme de remise en ordre. Les associations elles-mêmes se sont approprié les usagers en s’autorisant à parler en leur nom.

Ce serait peut-être sur le mode d’une triangulation (décideurs politiques – usagers citoyens –associations de solidarité)  qu’il faudrait tenter de refonder un contrat social d’un nouveau genre dépassant les limites héritées du siècle des lumières. Dans ce nouveau système, la qualité du lien entre deux parties dépend de la qualité des autres interactions. Cette schématisation repose sur la différenciation des places, condition même de l’ouverture de l’espace démocratique.

Sans que les rôles ne soient totalement exclusifs les uns des autres, nous pouvons repérer des dominantes liées à chaque acteur :

Les usagers citoyens sont légitimes à revendiquer les réponses à leurs besoins ;

Les décideurs politiques sont investis de la légitimité à décider des actions (utilisation des fonds publics) ;

Les associations de solidarité ont, quant à elles, la légitimité à agir, à conduire les interventions sociales.[6] »

Conclusion : L’action sociale est intrinsèque à la démocratie

Une qualité remarquable de la démocratie, c’est sa disposition à prendre en compte les minorités. Ce sont les minorités qui font la démocratie selon le principe du petit reste qui ne cesse d’interroger le principe majoritaire. Chacun le sait : un État qui n’a pas d’opposition n’est pas une démocratie. Or, la capacité à prendre en compte les minorités suppose de porter l’attention sur les plus vulnérables du groupe social, ceux qui n’ont pas la parole, ceux qui n’existent pas aux yeux du plus grand nombre. Par définition, la démocratie s’intéresse aux groupes dominés. En ce sens, la question du droit des femmes est un sujet prioritaire de démocratie. L’état de cette question nous permet d’ailleurs de mesurer le chemin qui reste encore à parcourir vers l’horizon d’une démocratie plus accomplie.

De même, les personnes accompagnées et prises en compte par l’action sociale devraient être au cœur de la préoccupation démocratique. Choisir d’entrer dans la question des rapports démocratiques de notre société par les plus fiables, les plus fragiles, les groupes les plus menacés, voire les plus menaçants, est une garantie pour construire une société plus juste et égalitaire, plus fraternelle et solidaire, plus libre. Une telle ambition suppose une référence claire aux droits de l’homme – fondement d’un projet démocratique qui prend en compte les exclus – un langage simple et bienveillant, accessible à chacun, des moyens de participation effectivement ouverts à tous : espaces de débat, instances délibératives, moyens de gestion de la conflictualité des intérêts, etc. Le travail social, à sa place, peut contribuer à entretenir de tels espaces.

[1] Cf. Comment repolitiser l’action sociale dans un monde où tout est trop ? www.repolitiserlactionsociale.org

[2] Ibid.

[3] Cf. J. Priou & R. Janvier, Les financements et les moyens de l’action sociale, sur www.repolitiserlactionsociale.org – 05/06/2013.

[4] Prendre soin de l’autre est un acte politique, sur www.repolitiserlactionsociale.org, billet de la semaine du 20/05/2017

[5] Y. Matho & R. Janvier, Comprendre la participation des usagers, Dunod, 2011, voir particulièrement la troisième partie « Evaluer la relation à l’usager », p. 189 et suiv.

[6] R. Janvier, « Pour une nouvelle triangulation du contrat social », in Transformer l’action sociale avec les associations, J. LA voué, M. Jézéquel, R. Janvier, Desclée De Brower, 2011. Consultable sur : https://www.rolandjanvier.org/droit-usagers/523-pour-une-nouvelle-triangulation-du-contrat-social-16-09-2012/?hilite=%22contrat%22%2C%22social%22

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Présentation de l’auteur

Roland JanvierRoland JANVIER, chercheur en sciences sociales, titulaire d’un doctorat en sciences de l’information et de la communication.
Je suis actuellement président du Comité Régional du Travail Social de Bretagne.
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