Aptitude culturelle au changement des organisations du travail social ?

par | Déc 8, 2005 | Communications scientifiques, Droit des usagers | 0 commentaires

Les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont le fer de lance de l’action sociale en direction des publics en difficulté (personnes handicapées, enfants en danger, personnes âgées, individus ou familles en difficultés sociales). Cet important champ d’activité (25 000 établissements et services employant plus de 400 000 salariés et accueillant ou accompagnant plus d’un million de personnes[1]) connaît un phénomène de refondation sous l’impact d’une profonde réforme législative initiée par une loi de janvier 2002 dite « loi rénovant l’action sociale et médico-sociale ».

Les organisations du social connaissent donc, en ce début de XXIème siècle, un épisode repérable de leur développement par des mutations techniques relativement nouvelles, induites par les orientations de la loi :

  • Promouvoir les droits des bénéficiaires : Cette orientation se décline dans de nouveaux supports de communication à destination des usagers : livret d’accueil, contrat de séjour ou document individuel de prise en charge, règlement de fonctionnement, charte des droits et libertés de la personne accueillie, conseil de la vie sociale ou autres formes de participation des usagers.
  • Elargir les missions de l’action sociale et médico-sociale en diversifiant les modes d’intervention des différents acteurs : La loi réforme ainsi en profondeur la nomenclature des établissements et services en assouplissant considérablement la notion d’établissement ou de service par une reconnaissance très diversifiée des formes d’intervention (internat semi-internat, externat, ambulatoire, temps complet ou partiel, prise en charge longue ou ponctuelle, permanente ou séquentielle).
  • Améliorer les procédures techniques de pilotage du dispositif : Tout un outillage technico-administratif accompagne cet objectif : procédure d’autorisation, de création et de transformation des établissements et services, Comités Régionaux de l’Organisation Sociale et Médico-Sociale, nouveaux protocoles de négociation budgétaire, renforcement des contrôles, obligation d’évaluation interne et externe de la qualité des prestations, instauration des crédits budgétaires limitatifs, etc.
  • Coordonner l’action des décideurs en améliorant les procédures de concertation et de partenariat : La notion de schéma d’organisation va prendre ici un rôle prépondérant et est assortie de diverses mesures destinées à orienter la décision publique, création d’indicateurs de convergence tarifaire permettant des comparaisons entre prestations, renforcement des formes de coordination et de coopération entre les administrations et entre les institutions, etc.

Cette refondation de l’action sociale (Beauduret et Jaeger, 2002) est donc marquée par la construction de nouvelles normes de production :

  • Rendu-compte régulier de l’action par les rapports d’activité, les évaluations interne et externe mais aussi par les documents à remettre aux usagers ou à leur famille ;
  • Indicateurs et tableaux de bord relevant de la gestion budgétaire ;
  • Imposition du concept de qualité de la prestation qui introduit deux notions nouvelles : celle de qualité (référence aux démarches qualité initiées dans le secteur de la production marchande) et celle de prestation (semblant réduire l’intervention sociale auprès des publics en difficulté à une simple prestation de service) ;
  • Centralisation sur l’usager qui doit être « au cœur du dispositif », la légitimité de l’intervention passe ainsi d’une logique de dispositif à une logique centrée sur l’action et sa qualité ;
  • Principe général de participation du bénéficiaire à tous les niveaux de l’action (élaboration du plan d’aide, mise en œuvre, évaluation des effets).

Ces nouvelles normes de production semblent venir heurter l’héritage culturel d’un champ spécifique d’activité qui articule de manière complexe :

  • Les cultures professionnelles :

Une des  particularités historiques de l’action sociale tient dans ses origines confessionnelles liées au modèle caritatif. Ce modèle religieux structure encore aujourd’hui le rapport entre professionnels de l’action sociale et bénéficiaires. Le travail sur autrui (Dubet, 2002) reste imprégné d’une conception sacralisée des rapports interpersonnels, par une posture quasi cléricale de l’intervenant.

Les cultures professionnelles, dans ce contexte, sont marquées par une forte tradition orale, fondée sur l’apprentissage par le compagnonnage. Le métier est un « tour de main » qui se transmet par la pratique avant de s’acquérir par les connaissances formalisées d’une activité qui ne constitue pas une discipline repérable (malgré la création récente d’une chaire de travail social au CNAM). Le champ professionnel reste structuré, dans ses représentations, autour de quelques grands métiers « canoniques » (Chopart, 1997).

Nous pouvons distinguer ici les causes d’une forte résistance à l’évolution des métiers d’une part, une méfiance importante à toute évolution technique.

  • Les techniques mises en œuvre pour la conduite des interventions :

Conséquence de ce qui précède, les méthodologies professionnelles ne disposent pas d’espaces réellement autonomes : elles sont le résultat d’emprunts plus ou moins heureux à divers autres champs : la psychologie et la psychanalyse, la sociologie, la psychologie sociale, etc. La littérature professionnelle s’applique plus à décrire des manières d’être qu’à décliner des outils et des méthodes, à quelques exceptions près (Capul et Lemay, 1995).

Cependant, les pratiques professionnelles ne sont pas tenues à l’écart des mutations techniques. Malgré une représentation largement partagée qui consiste à croire à une relative herméticité du rapport au monde de l’action sociale, nous assistons à un développement important de techniques nouvelles qui supportent la relation d’aide : contractualisation, supports communicationnels visant à rendre lisible et visible l’intervention, traçabilité de l’action … L’émergence de ces formes techniques semble se développer sur un fond de relatif déni des mutations qu’elles impliquent.

  • Les normes d’action :

Le champ de l’action sociale et médico-sociale, bien que de plus en plus confronté à des règles concurrentielles qui pourraient l’assimiler aux normes du marché, est à la croisée de trois grands types de normes :

–          Les normes de droit : sont les plus prégnantes et déterminantes car ce sont elles qui fixent le cadre de la légitimité des interventions ;

–          Les normes économiques, qu’il serait réducteur d’assimiler purement et simplement à des normes de marché, mais qui constituent une évolution sensible de ces dernières années (impact de l’Ondam[2] par exemple).

–          Les normes associatives : 80 % de l’action sociale est portée par des associations loi 1901 qui disposent de leurs règles propres et constituent, pour une part, ce qu’il convient d’appeler le tiers secteur (entre le secteur marchand et le secteur administratif).

  • Les formes organisationnelles :

Fortement délimitées par le cadre législatif, les formes organisationnelles des institutions du social se déclinent cependant de manière différente selon les modes de gestion (publique ou privée, lucrative ou non, etc.), les types d’activité (handicap, insertion sociale, protection de l’enfance, etc.), les formes d’intervention (aide par le travail, éducation, réadaptation, etc.). Elles se déclinent également selon la force et la nature du projet théorique qui structure l’action (psychanalyse freudienne, analyse systémique, sociologie des organisations, humanisme chrétien, etc.).

Nous assistons ainsi à un moment technique particulier qui est identifiable par une forte technicisation des processus de travail, un véritable accroissement technique. Les effets de ce phénomène sont à observer dans trois directions : la modification des rapports d’usage impliquant la recomposition des catégories d’usagers, la mutation des postures professionnelles et la transformation des formes organisationnelles.

  • Apparition de nouveaux rapports d’usage au sein des institutions … :

En référence aux travaux de Serge Proulx sur l’ethnographie des usages, nous repérons que les dispositifs communicationnels introduits dans les établissements et services s’inscrivent dans des « mouvements de va-et-vient entre l’objet et l’usage qui constituent une véritable dialectique d’adaptation et d’ajustement entre la conception et l’utilisation des objets et dispositifs informationnels. » (Proulx, 2000). En effet, « l’acte d’invention technique n’est pas le pur produit d’une scientificité qui se situerait en dehors des rapports sociaux. » (Proulx, 2001). L’analyse de ces rapports d’usage, comme le préconise Serge Proulx doit reposer sur la construction sociale des modes d’usage (travaux de recherche sur l’innovation sociale), les approches cognitives (l’environnement d’usage étant conçu comme le prolongement des capacités cognitives des usagers) et les enjeux macro-sociologiques d’une socio-politique des usages.

  • … et recomposition des catégories d’usagers :

Cette refondation modifie les catégorisations des usagers à la fois comme cause et comme conséquence des nouvelles logiques d’acteurs qui se développent dans ce contexte institutionnel renouvelé. L’usager de l’action sociale, perçu comme sujet, citoyen, acteur de l’aide qui lui est destinée introduit un changement de paradigme de l’action (Chauvière & Godebout, 1992). Marqué par la montée de l’individualisme dans un contexte de libéralisation des échanges sociaux, l’usager est une catégorie construite, symptôme de l’état des rapports sociaux à un moment historique précis. La catégorie d’usager « est inséparable de la conception du service public quand il devient service au public et ces dernières années elle s’est adaptée à la segmentation progressive des politiques sociales. (…) Mais, d’autre part, elle est également réescomptée avec le marché ou, plus précisément, avec la montée en puissance des rapports marchands jusque dans des secteurs traditionnellement protégés, comme le secteur social. L’usager est alors proche, très proche, du client, jusqu’à la confusion. » (Chauvière, in Humbert, 2000, p.36).

  • Mutation des postures professionnelles :

Le nouveau contexte technique que nous venons d’esquisser a un impact fort sur les formes de professionnalité. Assistons-nous à l’épuisement d’une phase historique des métiers du social avec l’érosion du modèle religieux évoqué plus haut ? Toujours est-il que le recours à des objets techniques – essentiellement des dispositifs communicationnels – jusque là peu usités et méconnus par les acteurs fait rupture avec la « tradition » du travail social (Autès, 1999). L’intervenant est plutôt attendu dans sa capacité à manipuler des nouveaux dispositifs socio-techniques d’information et de communication que sont le contrat de séjour, le livret d’accueil, le projet individualisé … On peut donc penser que la technique met à distance l’intervenant et l’usager, ouvrant un espace d’autonomie, ce que ne permettait pas le rapport d’assistance du modèle religieux.

Cette évolution, sous l’empire des mutations techniques, modifie le « rapport au monde » des professionnels du social (Simondon, 1989)[3].

  • Transformation des formes organisationnelles :

Les référentiels techniques utilisés sont plus extérieurs aux acteurs, la médiation technique influe les formes organisationnelles. Le centre de gravité de la légitimité des institutions du social se déplace du colloque singulier (entre professionnel et usager) vers des formes plus ouvertes d’échange, utilisant de nouveaux objets techniques. Le professionnel devient un « technicien ». Médiateur technique entre le bénéficiaire et la société, il aide ce dernier à manipuler à bon escient les outils mis à sa disposition[4]. Les formes d’organisation classique des institutions sont donc fortement interrogées par ces nouvelles références d’action. Il n’y a qu’à voir les polémiques engendrées par l’instauration de la participation des usagers à la vie et au fonctionnement des établissements et services. Ces évolutions sont perçues par certains comme des menaces directes sur les institutions qui y « perdraient leur âme ». Il est vrai que l’irruption de l’usager au cœur des processus de travail vient heurter un champ professionnel qui s’est précisément organisé en maintenant les bénéficiaires à la périphérie du dispositif (Chauvière, 2004) (Karsz, 2004).

L’institution d’action sociale apparaît ainsi de plus en plus comme un ensemble technique, c’est-à-dire un espace qui articule des objets techniques (essentiellement des DISTIC) selon une finalité d’action organisée par des normes (essentiellement des normes de droit) et mobilisant les acteurs eux-mêmes.

Au fil de ces lignes se dessine une articulation complexe entre le fond culturel des institutions du social et les dispositifs techniques d’information et de communication qu’elles développent. A ce point de notre réflexion, nous devons nous interroger plus avant sur les modalités de diffusion et d’appropriation de ces nouveaux outils et référentiels et sur les capacités de leur adoption par le milieu.

Les réticences culturelles à l’adoption de ces nouveaux cadres d’action tiennent aux distinctions qui, quasiment depuis les origines de la philosophie, ont opposé le monde des idées et celui des objets. Cela induit « un divorce, sinon entre la culture et la technique, du moins entre les rythmes d’évolution culturelle et les rythmes d’évolution technique. La technique évolue plus vite que les cultures. Il y a avance et retard – tension qui est caractéristique de cet étirement en quoi consiste toute temporalisation. » (Stiegler, 1994, p.29). Cette tension est sans doute particulièrement sensible dans la culture du travail social pour laquelle la relation d’aide est idéalisée comme une sorte d’acte pur qui s’accommode mal de médiations techniques. C’est le corps de l’intervenant – technicien de la relation – qui apparaît comme le support de l’échange.

Si nous convenons que le rapport de l’homme à la machine – en l’occurrence à des objets techniques d’information et de communication – est avant tout un rapport social, nous pouvons envisager les réticences de la culture du travail social à l’irruption des DISTIC au cœur de l’action comme une stratégie liée à la question du pouvoir. La revendication d’un attachement à ce qui constituerait l’héritage culturel de ce champ d’activité ne serait qu’une tentative de préservation d’un rapport de domination. Cette position a pour effet d’octroyer à ces DISTIC une fonction subversive : ils seraient les signes de la fin d’une époque – de l’âge d’or des temps fondateurs. Comme il est difficile de contester frontalement ces outils présentés comme un progrès pour la démocratie, la critique porte sur le caractère technocratique des procès qu’ils induisent : risque de judiciarisation outrancière des procédures, prédominance du droit sur l’échange, une conception froide de la qualité des prestations en lieu et place de la chaleur des interactions humaines, etc.

C’est là qu’émergent des questions sur les conditions de l’adoption de ces DISTICS dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Les conditions de toute adoption technique dans une culture donnée sont tributaires d’une part de la capacité culturelle du milieu à recevoir l’innovation technique, d’autre part de l’émergence d’un besoin auquel doit répondre l’innovation. Nous avons vu, sous l’aspect du pouvoir, les enjeux sous-jacent à l’appétit culturel du milieu. « Pour emprunter, le milieu technique doit être milieu favorable à l’emprunt » (Leroi-Gourhan, 1973, p.373). En ce qui concerne le besoin, il est notable que l’évolution législative ici repérée est plus le fait d’une décision politique que de pratiques initiées par quelques précurseurs. Ce n’est pas d’abord dans le champ de l’action sociale qu’est apparue la nécessité d’instaurer de nouvelles formes de communication organisationnelle mais dans ceux du commerce (droit des consommateurs), de l’administration publique (droit des administrés) et de la santé (droits du patient). C’est donc plutôt par transduction que les établissements et services ont été atteints. C’est sous l’effet de diffusion de la « société de l’information » dans toutes les sphères de la vie sociale et non par un quelconque volontarisme de tel ou tel acteur.

Ces DISTIC seraient également le résultat d’une libéralisation de tous les échanges sociaux. Un lien peut en effet être établi entre l’évolution des méthodologies du travail social – beaucoup plus centrées sur l’individu et ses besoins, le respect de ses droits et libertés – et la montée en puissance du libéralisme dont la forme économique est aujourd’hui la manifestation la plus visible. Garantir l’individu –envisagé isolément – dans ses droits et mobiliser des dispositifs d’information et de communication à cette seule fin participe de ce fantasme de sécurité absolue que toute organisation sociale doit assurer (Castel, 2003). Le mythe d’une transparence institutionnelle rendue possible par les DISTIC alimente de nombreux débats dans lesquels des professionnels défendent la nécessaire discrétion que suppose tout travail sur l’intimité des personnes. Entre secret complet et visibilité absolue, les règles du marché écartèlent l’action dans un paradoxe que la technicisation des processus ne résoudra pas. Sauf à prêter à la technique un pouvoir autonome de résolution des tensions sociales qu’elle ne peut avoir.

Un jeu de contraintes complexes tend à s’instaurer entre les outils (imposés par la loi) et les pratiques réelles des acteurs. Deux grandes séries de contraintes sont repérables, celles qui tiennent au « design » des objets communicationnels, celles qui concernent leur mode d’emploi.

  • Le design est avant tout le fait d’acteurs extérieurs (législateur et hauts fonctionnaires de l’Etat) qui ont configuré les outils de la loi de janvier 2002 par une combinaison de leurs propres représentations (de l’action sociale, des bénéficiaires, des acteurs de terrain, des établissements et services, etc.), sous la pression des attentes du public (besoin de sécurité, paix sociale, etc.). Ce premier niveau de contrainte dans l’usage qui est fait des DISTIC ainsi créés est complété par l’intervention intermédiaire des professionnelles qui achèvent leur mise en forme, pouvant, à l’occasion, ajouter de nouvelles dimensions d’usage aux objets. En arrière plan de ce jeu de constructions se profile la question, éminemment politique, de l’accès aux codes de ces dispositifs. L’effet « boite noire » est repérable à tous les niveaux de l’élaboration des systèmes, chaque niveau d’acteur pouvant chercher à protéger ses prérogatives sur « l’invention ».
  • Le mode d’emploi de ces DISTIC constitue également un enjeu. Un mode d’emploi réussit serait celui qui parvient à intégrer l’outil dans le contexte institutionnel (acculturation au milieu technique). Le jeu de contraintes qu’induit le mode d’emploi, notamment par rapport aux possibles détournements d’usage (Perriault, 1989), fait de cet élément une pièce centrale des enjeux de démocratie qui environnent les DISTIC de l’intervention sociale. Une recherche sur les comportements d’usage des bénéficiaires, leurs modes d’appropriation des outils mis à leur disposition, serait riche d’enseignements en ce domaine.

Nous cernons mieux les enjeux de la technicisation en cours dans les établissements et services de l’action sociale et médico-sociale et leur incidence sur la « culture d’entreprise ». Cette culture spécifique des « travailleurs sociaux » est présentée comme un facteur de résistance au changement, du fait de l’histoire de ce champ d’activité et d’un certain nombre de présupposés théoriques à l’action. Cela ne permet pas de conclure, de manière simpliste, que le champ du travail social ne constitue pas un terrain propice à l’appropriation de nouvelles techniques d’information et de communication. Le mouvement, qui vient de débuter historiquement et qu’il est donc difficile d’observer avec le recul nécessaire (la plupart des établissements et services sont dans la phase de construction des DISTIC imposés par la loi), est plus complexe :

  • D’une part les DISTIC vont modifier les représentations culturelles essentiellement en agissant sur les trois aspects évoqués plus haut : les catégorisations des usagers, les rapports d’usage et les formes organisationnelles. C’est un mouvement lent d’adoption technique qui s’initie sous nos yeux et qui mettra du temps à déployer tous ses effets ;
  • D’autre part, les DISITIC vont être modifiés par les modalités d’adoption dont ils vont bénéficier. Cette adoption technique se déroule sur deux séries d’acteurs : les professionnels qui activent ces dispositifs et les usagers qui, comme l’indique leur nom, vont en faire « usage ».

L’interaction entre culture d’entreprise et dispositifs communicationnels peut être décrite à partir du concept de transduction définit par Simondon (Simondon, 1989). Dans cette perspective, les outils de communication introduits par la loi – particulièrement ceux destinés à garantir le droit des usagers – ont fonction de « germe inaugural » au processus d’individuation des établissements et services, processus qui les mène d’un état de métastabilité à un autre en passant par une phase de crise. Les éléments qui constituent le milieu technique dans lequel s’opère le changement (l’individuation) sont à la fois les dispositifs techniques préexistant, les références culturelles à l’œuvre, les acteurs eux-mêmes. L’alchimie complexe de cette métabolisation est le fond de tableau de mon projet de thèse.

Roland JANVIER



[1] Source : Union Nationale des Institutions et Œuvres Privées Sanitaires et Sociales : http://www.uniopss.asso.fr

[2] Orientations Nationales des Dépenses d’Assurance Maladie. Il faudrait plus globalement analyser le changement de paradigme que représente pour les finances publiques le principe de la LOLF (Loi d’Orientation des Lois de Finance).

[3] « l’être technique saisi dans sa réalité définit une certaine médiation entre l’homme et le monde naturel ; c’est cette médiation que la culture technique permet de saisir dans son authentique réalité. » (Simondon, 1989, p.279-280).

[4] Nous pouvons considérer ces outils comme des dispositifs socio-techniques d’information et de communication (DISTIC) au sens de la définition donnée dans l’argumentaire de ce colloque : « Ces dispositifs peuvent s’entendre comme des processus d’information et de communication mobilisant au sein des organisations, à la fois le facteur humain et le facteur technique. » Les supports communicationnels activés par les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont des médias qui « in-forment » le rapport au monde du bénéficiaire (par exemple le projet individualisé formulé et négocié dans le cadre d’un contrat de séjour), ils sont des constructions d’une représentation de la réalité, sorte de compromis provisoire entre les acteurs pour « mettre en forme » une position du sujet – et de l’intervenant – dans une situation sociale donnée, et problématique. L’information vient ici corriger un déséquilibre, l’objet technique lui servant de support.

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Présentation de l’auteur

Roland JanvierRoland JANVIER, chercheur en sciences sociales, titulaire d’un doctorat en sciences de l’information et de la communication.
Je suis actuellement président du Comité Régional du Travail Social de Bretagne.
Repolitiser l'action sociale

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