Vers une recomposition de l’action sociale : utilité sociale et place de la prévention spécialisée

par | Avr 30, 2016 | Economie sociale et solidaire, Fonction de direction | 0 commentaires

Introduction

L’utilité sociale peut être vue sous deux angles, que, pour la clarté de l’exposé, je vous propose de simplifier et d’opposer dans un premier temps avant d’envisager la manière de les assortir.

Selon une conception utilitariste, l’utilité sociale se mesure à l’aune du profit qu’apportent les interventions sociales à la société. Elle est alors synonyme de performance et d’efficience selon des critères essentiellement économiques.

Cette première conception, largement critiquée, peut être opposée à une vision plus politique de l’utilité sociale qui va alors envisager la manière dont le travail social contribue à faire évoluer la vie sociale.

Je vous propose de présenter brièvement ces deux approches de l’utilité sociale pour envisager comment, dans ces recherches de nouvelles  légitimités au travail social, la prévention spécialisée peut prendre position.

  1. L’utilité sociale dans son versant « utilitaire »

L’utilité sociale, dans une conception fonctionnaliste, se réfère au concept d’investissement social récemment rappelé dans le plan d’action gouvernemental en faveur du travail social et du développement social. Le mécanisme théorique est simple, il part du postulat que ce qui est dépensé pour une action sociale génère un retour sur investissement qui peut, à long terme, produire des recettes supérieures aux coûts initiaux. Par exemple, un enfant pris en charge en ITEP du fait de troubles comportementaux qui perturbent son apprentissage scolaire va peser sur le budget de la sécurité sociale. Mais si cette action permet de le réintégrer dans un cursus de formation, de qualification, qui améliorera son employabilité future, cet enfant, devenu un adulte intégré socialement et économiquement, paiera des cotisations sociales, des impôts qui, au total de sa carrière, seront d’un montant bien supérieur à ce qui a été investi pour sa réadaptation.

  • Le travail social à la recherche de nouvelles légitimités

Dans cette approche fonctionnaliste, l’utilité sociale est prioritairement considérée selon des critères quantitatifs qui éveillent naturellement la méfiance des travailleurs sociaux. Je propose de ne pas rejeter a priori cette dimension qui peut être l’opportunité de conférer une certaine légitimité au travail social dans un monde où tout se compte. C’est sans doute parce que le travail social a été trop discret sur sa « rentabilité » économique et sociale qu’il a prêté le flanc à la dénonciation de sa prodigalité. Sur le temps court, l’action sociale est dispendieuse, mais sur le long terme, elle est sans conteste un investissement socialement profitable. C’est là une voie à explorer pour légitimer ce que font les établissements et services de l’action sociale et médico-sociale.

  • La logique comptable comme régulateur ultime du travail social

Cependant, cette analyse présente, à mes yeux, deux écueils : D’une part, le retour sur investissement suppose de se donner des critères ce qui n’est pas simple. Revenons à l’exemple du jeune confié à un ITEP. L’analyse coût/investissement tenue au plan individuel ne peut être transposée au plan macro-sociétal telle-quelle. En effet, il est normal qu’un individu participe à la vie de la société par ses contributions diverses et variées. Aucune comptabilité ne peut renvoyer chacun à un solde individuel charges/produits. Il faudrait alors déplacer l’argument : Si le projet éducatif, thérapeutique et pédagogique pour ce jeune produit les effets attendus il évitera une dégradation de sa situation soit dans le registre comportemental – la prison coûte très cher à la société – soit dans le registre pathologique – l’hospitalisation psychiatrique représente une charge très élevée. C’est la notion de « coûts évités » dont parle Philippe Langevin. Mais ces coûts, nous l’avons vu, sont difficiles à valoriser. Pour ma part, afin de montrer l’ambivalence de ce genre de chiffrage, je propose de parler de « manque à dépenser », c’est-à-dire d’évaluer les dépenses qui ne sont pas engagées et qui auraient été bien supérieures aux dépenses réellement engagées.

D’autre part, tout ne peut pas se compter. C’est là le second écueil de cette hégémonie de la logique comptable. Le quantitatif ne permet jamais de rendre totalement « compte » de tous les aspects qualitatifs qui donnent consistance à la relation d’aide. La difficulté majeure du travail social réside dans sa complexité – tout simplement parce qu’il se situe au cœur de la complexité humaine. Il est très compliqué de rendre compte de la complexité, la tendance est alors de simplifier : simplifier en réduisant le réel au binaire (fait/non-fait, bon/mauvais, Inclus/exclus…) ; simplifier en remettant au chiffre le pouvoir de tout expliquer, classifier, catégoriser ; simplifier en évacuant ce qui ne se chiffre pas (le mieux-être, l’affectif, le plaisir, l’esthétique…). La complexité suppose la compréhension pas la simplification. C’est ce qui est compliqué qui peut être simplifié. Ce qui est complexe convoque l’intelligence.

Le coup d’Etat qu’a opéré la logique comptable – paradigme de la simplification – ne s’explique pas par la pénurie budgétaire mais par la conversion généralisée de la pensée commune à la rationalisation de l’humain. Mobiliser des concepts simplistes pour évaluer l’utilité sociale des différentes formes du travail social a pour effet immédiat, officiellement par souci de rentabilité et de performance budgétaire, d’éradiquer les actions les plus complexes – donc les plus subtiles, les plus ouvertes ou marquées par l’incertitude – au profit des action les plus simples – donc les plus simples dans leur forme, les plus facilement compréhensibles. C’est ce paradigme de la simplification qui motive la réduction drastique des moyens, voire la fermeture, d’équipes de prévention spécialisée – ce que nous avons connu dans le Finistère. Et c’est précisément lié au fait que la prévention spécialisée se situe dans les espaces les plus complexes de la société, parce que les plus problématiques. Ce n’est pas d’abord une question de ressources financières. Sinon, comment expliquer les sommes investies dans d’autres champs. Je pense ici à l’autisme. Mais chacun sait, notamment depuis les recommandations de la HAS et de l’ANESM, que les théories comportementalistes sont plus faciles à comprendre par la logique comptable…

Le risque de tout rapporter à la simplification quantitative est d’abord lié aux réductions qui s’opèrent.

  • Un risque d’impasse : la financiarisation du travail social

J’ai parlé jusque-là de logique comptable. Il faut compléter cette logique par ce que Michel Chauvière nomme la « chalandisation ». C’est, bien-sûr l’import des pratiques marchandes, essentiellement par la mise en concurrence des offres. Mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin…

Le lancement récent, par la secrétaire d’Etat à l’Economie Sociale et Solidaire, d’un appel à projets d’un an pour des « contrats à impact social » ouvre une nouvelle brèche à l’envahissement de ces logiques marchandes et comptables.

Le principe est simple – toujours ce paradigme de la simplification qui alimente la dictature de la rationalisation : un opérateur propose à des investisseurs, via un intermédiaire bancaire, de financer une action innovante. Cette action vise à générer des économies par rapport aux formes traditionnelles d’intervention sociale. Des critères d’évaluation de l’action permettront, via un évaluateur indépendant, de démontrer que les objectifs ont été atteints. La collectivité qui réalise ainsi une économie de dépense rémunère l’investisseur qui retrouve sa mise. Si les objectifs sont dépassés, le projet envisage de verser des dividendes, sinon, il perd son investissement (ce qui rapproche ce genre de pratiques du « capital risque » des investisseurs).

Au-delà de la logique comptable, au-delà de la marchandisation du travail social, nous assistons ici à un début de financiarisation de l’action sociale. On peut facilement imaginer que les investisseurs dans les contrats à impact social – ce ne sont pas des mécènes, il ne faut pas confondre[1] – demanderont des comptes, surtout si les objectifs ne sont pas atteints. On peut même imaginer que ce quasi-prêt pourra justifier l’ingérence de l’apporteur de fonds privés dans la conduite du projet : niveau des rémunérations accordées, grilles horaires des intervenants, etc. De plus, il y a fort à parier que les actions innovantes qui seront retenues pour être financées sous cette forme seront les plus faciles à évaluer, les plus simples, celles qui portent la meilleure lisibilité des retours sur investissement.

  1. L’utilité sociale dans sa dimension politique

Dans cette seconde approche fondée sur les théories critiques, l’utilité sociale est plutôt considérée selon des critères qualitatifs qui mobilisent une analyse socio-politique des effets du travail social. Nous pouvons penser que cette perspective est plus traditionnelle dans les cultures du travail social. Cependant, il semble aujourd’hui nécessaire de réhabiliter la dimension politique de l’action sociale, trop souvent abandonnée au profit d’une vision instrumentale des actions. L’idée est que le travail social, travail sur et dans la société, porte intrinsèquement une perspective de transformation sociale. Autrement dit, le travail social ne serait pas uniquement réparateur mais aussi contributeur à la construction d’une société plus juste et plus intégrative.

  • Agir dans la société : un processus d’émancipation

Le simple fait d’œuvrer à la résolution de problèmes des personnes les plus vulnérables du corps social ne représente pas la totalité des légitimités du travail social. Agissant ainsi, l’action participe à la promotion des personnes, au développement d’une citoyenneté de plein exercice pour tous. Là, les thèmes de la participation des usagers à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation du projet qui les concernent, prend tout son sens. Il ne s’agit pas simplement de dépanner mais de donner les clefs du processus de réhabilitation aux intéressés eux-mêmes. En permettant à la personne accompagnée d’être actrice de la résolution des difficultés qui la concernent, l’intervention sociale lui permet de libérer son pouvoir d’agir. Le travail social œuvre ainsi au développement des capabilités des personnes, au sens où l’entend Amartya Sen.

L’utilité sociale réside ici dans le processus d’accompagnement qui arme les personnes vulnérables pour être mieux en mesure d’affronter les problèmes de leur existence, pour leur permettre de prendre en main leur destin individuel.

Ce processus d’émancipation, totalement immergé dans l’espace social, a des effets transformateurs qui n’en restent pas au plan individuel.

  • Agir sur la société : une visée transformatrice

Car en effet, permettre à des personnes de reprendre en main leur destin de vie, entraîne des conséquences sur leur entourage : famille, communauté sociale, groupes d’appartenance… Participer à la réalisation de citoyens libres et responsables contribue à construire une société fraternelle qui incarne l’idéal républicain issu de la Révolution française.

Autrement dit, agir « dans » la société, au chevet des personnes fragiles, est indissociable d’agir « sur » la société, c’est-à-dire de participer à la construction de la société, à sa transformation.

L’utilité sociale réside ici dans le dévoilement, par l’action, des situations d’injustice, des échecs de l’intégration, des phénomènes d’exclusion, des relégations sociales qui marquent les espaces sociétaux. La mise à jour, via le travail auprès des personnes singulières qu’accompagne le travail social, des aléas qui écornent le triptyque « liberté, égalité, fraternité » est de la première utilité pour une société qui peine toujours à réaliser ses utopies. L’utilité sociale du travail social consiste à prendre position au cœur des rapports de force qui traversent la société.

  • Agir pour la société : un projet éminemment politique

Finalement, travailler le social dans et sur la société, induit la nécessité de porter un projet politique, c’est-à-dire de formuler une conception du vivre ensemble, de la participation de chacun et de tous à la vie de la cité. C’est là, me semble-t-il, la condition pour ne pas réduire le travail social à une simple fonction d’instrument de rebouchage des fuites du projet de société. La visée de l’inclusion suppose une conception de ce que doit être une société inclusive ; l’ambition de permettre à chacun de jouir de tous ses droits suppose une conception de ce que doit être une société d’égalité ; la volonté de permettre à tous de participer à la vie sociale suppose une conception des formes et des modalités de la démocratie.

L’utilité sociale réside ici dans la capacité du travail social à énoncer politiquement un projet de société, à recomposer l’action sociale, à « repolitiser » la question sociale. Pour cela, le travail social doit tenir une fonction critique des fonctionnements de la société. Le travail social, « dans » et « sur » la société est constitutivement une instance critique qui participe à la construction sociale, qui agit « pour » la société.

  1. Tenir un champ de tensions entre utilitarisme et visée transformatrice

Ces deux versants de l’utilité sociale – utilitariste et politique – sont exposés ici de manière clivée. Ils constituent en fait les deux faces d’une même pièce. Ceci, parce qu’il est impossible de contribuer à la résolution de problèmes sociaux individuels et collectifs sans se soucier des conditions socio-économiques, donc politiques, de leur émergence. Ce que je vous propose maintenant, c’est de voir comment gérer cette situation.

  • Refuser le clivage simplificateur et mortifère

Opposer l’utilité sociale versus logique comptable à l’utilité sociale versus action politique pourrait être, me semble-t-il, une erreur stratégique mortifère. En effet, nous avons vu à quel point la logique comptable, fondée sur un fantasme de rationalisation du vivant, est en train d’envahir tous les schémas de pensée, depuis le vulgum-pecus jusqu’aux décideurs politiques. Il serait vain de vouloir simplement l’ignorer, elle est omniprésente. Il s’agit donc de réfléchir à ce que nous pouvons en faire. Par ailleurs, nous avons également vu la difficulté à repolitiser l’action sociale dans un contexte de dépolitisation des débats de société. Il s’agit donc, ici, de réfléchir à la manière de réintroduire la délibération démocratique au cœur des pratiques du travail social.

Autrement dit, l’utilité sociale limitée à son seul aspect de rentabilité économique est une impasse car elle oublie la construction sociale. Inversement, l’utilité sociale réduite à sa seule dimension politique est une erreur car elle omet la nécessité pour le travail social de développer une opérationnalité tangible.

  • Construire l’alliance entre économique et politique

Il s’agit donc de travailler à une alliance de ces deux faces de la pièce. C’est par cette alliance que le travail social pourra refonder de nouvelles légitimités. La première légitimité du travail social est de résoudre effectivement les problèmes sociaux qu’il a à traiter au bénéfice d’individus ou de groupes. Cette résolution suppose d’atteindre des objectifs, d’obtenir des résultats. Là, la logique comptable peut nous être utile en démontrant la rentabilité de l’investissement, en rendant visible, lisible et compréhensible ce qui est fait. Mais il serait suicidaire d’opérer cette démonstration en la situant uniquement à un niveau monétaire. La démonstration économique doit, en même temps, développer l’argument de l’utilité politique. Autrement dit, le dispositif de preuve de l’utilité sociale doit assortir concomitamment des indicateurs économiques (coût, retour sur investissement, coûts évités, « manque à dépenser »…) et des indicateurs de développement humain (qualité de la vie sociale, bien-être, accès à la culture, enrichissement du capital social des habitants…). Il convient de refuser un argumentaire qui ferait l’impasse sur l’un ou l’autre de ces deux aspects antagonistes mais complémentaires, de ces deux faces opposées mais nécessaires l’une à l’autre.

  • Mettre en tension opérationnalité pragmatique et visée politique

En fait, je propose de tenir l’utilité sociale dans un champ de tensions qu’il ne faut pas réduire mais entretenir comme la condition de l’équilibre énergétique du système d’action. Une image pour comprendre : c’est un peu comme une bille de métal qui évoluerait dans un espace délimité par deux aimants. Sa liberté de mouvement consiste à ne pas se laisser prendre par l’une ou l’autre des polarités qui lui sont offertes mais de rester à juste distance de chacune d’elle pour préserver sa mobilité. C’est cela se situer dans un champ de tension : savoir où sont nos exigences d’autonomie par rapport aux dispositifs idéologiques qui encadrent les représentations sociétales, tenir compte des uns et des autres, se situer par rapport à eux sans jamais se laisser prendre au piège d’un collage à l’un, souvent généré par le rejet massif de l’autre aimant. Le refus pur et simple de la logique comptable n’expose-t-il pas le travail social à se réfugier dans une idéologie politique totalement désincarnée ?

L’art de la tension, c’est l’art de l’entre-deux : c’est sans doute là que pourrait résider, à mes yeux, l’avenir de la prévention spécialisée refondée sur une utilité sociale qui combinerait l’utilité pragmatique et l’utilité politique de ses missions.

  1. La place de la prévention spécialisée dans cette tension

Génétiquement, la prévention spécialisée s’est construite dans l’immersion, sa force réside d’abord dans sa relative invisibilité, ou au moins sa discrétion. Sa légitimité s’est essentiellement fondée sur sa capacité transformatrice des rapports sociaux dans les lieux où elle intervient. Ces deux aspects, parmi bien d’autres qui caractérisent la « Prév’ » montrent à quel point elle peut être mise à mal dans un contexte sociétal où tout doit être rationnel, prouvé et démontré. Comment rendre compte de son utilité sociale si celle-ci se réduit à la logique comptable ? Comment démontrer aux décideurs politiques qu’un euro investi dans la prévention spécialisée est un euro rentable ?

Précisément, me semble-t-il, en développant cet « art de l’entre-deux » qui tient ensemble l’utilité sociale politique (ou transformatrice) et l’utilité sociale pragmatique (ou utilitariste), sans jamais laisser vacant ou déserter l’une ou l’autre de ces deux  logiques.

  • Une action qui prend position au cœur d’utilités sociales en tensions

Cette métis (au sens des grecs, que nous pourrions traduire par art de la ruse mais aussi art du bricolage) peut être assimilée à un double langage : Il s’agit en effet de tenir, simultanément deux niveaux de discours qui interagissent entre eux. D’une part il faut employer le langage attendu qui prouve l’efficacité de l’action selon les critères dominants (donc plutôt quantitatifs), d’autre part, il faut exprimer, avec son langage propre, les significations politiques de l’action (donc plutôt qualitatives).

L’ensemble du travail social n’échappant pas à l’injonction rationalisante, il faut donc s’y coller. C’est ce niveau de rendu-compte qui permet de protéger la possibilité de porter un projet politique pour l’action. Se soumettre ainsi à la logique quantitative, n’expose pas au risque d’instrumentalisation si la finalité de l’action reste bien claire, affirmée et justifiée.

Ce faisant, accepter de relever le défi de prouver l’efficacité de la prévention spécialisée, en utilisant les indicateurs du retour sur investissement, de l’impact économique des actions, enrichit la dimension politique de l’action. En effet, mettre les valeurs transformatrices en rapport avec les éléments pragmatiques des effets de l’action est une manière de se protéger d’une théorie éthérée de l’action qui ne se soucierait plus d’aucune opérationnalité. En fait, il s’agit d’ajouter quelque chose à la dictature de la performance pour ne pas la laisser conquérir tout le champ. Il s’agit, comme le faisait Henri Noguès au dernier congrès de l’Uniopss, de défendre une « performance axiologique ».

C’est donc bien une tension qu’il faut tenir et la prévention spécialisée devrait y prendre résolument position dans les territoires où elle agit.

  • Conclusion: Un espace de médiations démocratiques

L’art de l’entre-deux, de tenir en tensions les logiques en présence est une condition de la démocratie. En effet, la démocratie, ce n’est pas d’abord des modes de participation à la délibération, c’est d’abord le fait de reconnaître les oppositions. Une société qui fonctionne sur un discours unique – une doxa –, une pensée unique, un pouvoir unique, ne peut être démocratique. La logique comptable – qui réduit l’utilité sociale à la performance économique – a toute légitimité à s’affirmer dans une société démocratique, à la seule condition que les autres logiques – toutes les autres logiques – puissent également s’exprimer. Pour qu’il y ait démocratie dans l’évaluation de l’utilité sociale du travail social, il faut qu’il existe une controverse entre visée économique et visée politique. Le débat doit permettre de construire ce désaccord fondamental pour laisser émerger quelque chose de plus riche qu’un simple clivage.

C’est en ce sens, dans sa capacité à tenir en tension les deux logiques que le travail social fait œuvre démocratique, qu’il alimente la capacité de la société à se régénérer par le débat.

En démontrant sa capacité à tenir une double utilité sociale, à la fois pragmatique et politique, la prévention spécialisée s’inscrit eu cœur des enjeux démocratiques qui traversent notre société.

[1] Le mécénat d’entreprise est une démarche de don, aux contreparties très limitées, qui développe la notoriété de l’entreprise et noue un partenariat à vocation sociale.

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Présentation de l’auteur

Roland JanvierRoland JANVIER, chercheur en sciences sociales, titulaire d’un doctorat en sciences de l’information et de la communication.
Je suis actuellement président du Comité Régional du Travail Social de Bretagne.
Repolitiser l'action sociale

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